mercredi 26 octobre 2005

Argentine 08

Conducteur du bus n°64 : "¿Van al Caminito? Entonces, deben bajar acá." (Vous allez au Caminito ? Alors vous devez descendre ici.)

L'air distille un vieux tango, et l'eau croupie du petit port, une odeur âcre. Nous sommes à La Boca, ce quartier si connu pour ses façades hautes en couleurs et son tango. De l'arrêt de bus, on devine de loin les petites ruelles et les rouge, vert, jaune, bleu des maisons... tantôt de ciment, tantôt de taule ondulée. Des danseurs de tango prêts a poser, des aquarelles de façades suspendues aux façades, de l'artisanat d'usine, nous revoilà dans le monde impitoyable du tourisme qui grignote jusqu'aux choses les plus authentiques... même les plus pauvres. Les couleurs des murs sont passées et tirent sur le pastel ; on constate le temps qui s'en va grâce aux cartes postales. Dans notre chemin nous finirons par avoir faim. Malheur à qui veut manger dans un lieu touristique... on y mange du pigeon ! Les rabatteurs s'arrachent les propriétaires de billets verts... mais n'en possédant pas, on nous mettra de cotés... les halls a tango sont fait pour le clinquant ! Alors on marche et on repasse devant ses aquarelles que je regarde ce coup-ci connaissant déjà les murs. Mon œil est tiré par une jolie série de danseurs de tango l'encre de chine, et il faut croire que c'est une bonne fortune car c'est la que nous allons rencontrer Pedro, ce petit vieillard, auteur des dessins. Le hasard veut que je plaise a cet homme dont le physique m'inspire une douce contemplation. Sa barbe couronne son visage d'une douceur angélique, alors que ses yeux, grossis par les loupes de ses lunettes en écailles, me dévisage. Je lui ai dit que je jouais du théâtre et depuis cet instant j'ai l'impression que c'est moi qui inspire cet homme. Dans sa litanie, il me demande deux choses_ de lui faire une critique artistique concernant sa peinture ; et, de lui faire un dossier de presse concernant mes activités de comédien... Je ne comprends pas bien le sens de sa demande, mais le tout m'amuse. Pedro y met le ton et les gestes et j'assiste à mon petit spectacle particulier. Ce bonhomme boulo et tyrannisé par un cancer a joué dans une kyrielles de films argentins et n'a jamais obtenue de premier rôle, il a également écrit pour la presse et la TV. Mais moi dans tout ça, ce qui m'a le plus surpris, c'est qu'il m'ait fait la bise pour me dire au revoir, et me remercier d'avance... il me semble qu'en France nous manquons cruellement de cette chaleur humaine gratuite et j'en suis peiné parfois... En quittant Pedro, le ventre nous torturant toujours nous nous remettons à la recherche d'une restauration possible. Une des rabatteuses nous ayant harangué plus tôt nous interpellera dans la rue pour nous faire découvrir discrètement un restaurant bien moins cher que ceux de façade, ou vont manger les locaux... Alors pour quelques piécettes la Milanaise enfilée nous repartons le ventre fier vers le centre où je m'apercevrais que j'ai perdu les coordonnées de Pedro...


Une raison de plus pour retourner à La Boca n'est-ce pas ?

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