lundi 24 janvier 2005

Espagne 03

Comment résumer ou même s'étaler sur la palette de couleurs qui s'offre a vous l'espace d'une semaine... comme un rêve les yeux ouvert ou rien ne va mal ou on se prend a devenir beat... ou on se prend à devenir crédule...

Départ d'Alicante mardi dernier. On décide de prendre le bus pour se rendre directement sur Grenade car Lydia doit être de retour pour lundi... autant dire que l'expédition va être express...

On arrive sur Grenade de nuit, la gare routière est excentrée de la ville et à côté s'étend un terrain vague que l'on va visiter pour savoir si la possibilité d'y planter la tente s'offrait a nous... ca peut le faire mais pour le moment notre curiosité nous pousse plus avant et nous décidons de faire un tour en ville et de boire un thé dans une des teteria réputées de la ville... La marche durera une heure pour atteindre le centre.

On fait des rencontres... une étudiante espagnole qui étudie la poésie française depuis cinq ans, un parisien qui prépare son doctorat ici... un jeune Barcelonais qui nous sourit de dents blanches... La teteria, le patron qui me flattera en français tout va pour le mieux... et l'Alhambra...

Depuis mes livres d'Espagnol avec des photos de cet endroit j'ai toujours rêvé de m'y promener, cela va peut être se réaliser bientôt...

On remonte la rivière, il est 1h du matin, un peu plus haut un pont et un chemin de terre s'enfonce le long des murailles de l'Alhambra... On s'y engage sans même s'en rendre compte, en discutant. Je lève la tête et un pan de muraille attire mon œil... je le vois accessible, on grimpe dans la terre et on se retrouve sur une plateforme parfaite pour planter la tente d'un endroit ou l'on peut tout voir sans être vu... la vue offre des jeux de lumières sur les hautes remparts de l'Edifice et sur toute la vieille ville de Grenade... Qd je pense que certains payent un hôtel une fortune et n'ont pas la chance d'avoir la vue que nous avons.

Le lendemain on se paye le luxe de visiter l'Alhambra, je dis le luxe car cela coute la bagatelle de 10 euro par personne... mais l'Alhambra est l'Alhambra et on ne rechigne pas a payer la visite de se monstre de l'Architecture universelle. La visite dure 2h en temps normal mais il est hors de question de passer si vite la dedans, une sieste s'impose dans ces jardins somptueux... 3h de sieste au bas mot... finalement on ressortira de la quelques 7h après... au moins on aura amortit le PAF.

On retourne a notre teteria ou le patron nous offre sa tournée pour notre récit de la nuit précédente... il veut savoir exactement ou on s'est installe, il n'arrive pas a croire que nous avons dormi DANS l'Alhambra... on reste évasif car nous avons l'intention d'y repasser la nuit et une visite nocturne nous motive passablement, même si il est fort sympathique mieux vaut ne pas prendre de risque inutile...

Au lève le soleil est déjà haut dans le ciel, on repack rapidement avant de nous rendre a la sortie de la ville pour faire du stop vers les Alpujarras, aggloméras de petits villages "marocains" le long de la bordure sud de la Sierra Nevada.

Je me retrouve devant une situation jamais rencontre auparavant... le seul endroit ou il est possible de faire du stop est déjà occupe par ce qui ressemble plus a un clochard qu'a un autostoppeur... l'éthique veut qu'on le laisse jusqu'a ce qu'il soit pris avant de commencer nous même a tendre le pouce... mais vu comment il s'y prend, on est pas sorti d'affaire... je vais lui parler... le bonhomme fais du stop depuis 6h... pas étonnant que personne ne l'ai prit.

Il nous faut un nouveau plan sinon on dort encore la. Ca va être a Lydia de jouer car ma connaissance de l'Espagnol de la puta madre n'est pas encore a son plus haut point...

On se cale dans la station essence un peu plus loin et elle demande a chaque voiture qui vient faire le plein la direction qu'elle prend... ca ne marche guère, tout le monde remonte sur Grenade... On commence à désespérer...

On prend la décision de marcher qqs heures pour retourner a la gare routière et de prendre un bus pour Motril... mais au moment où on réendosse les sacs un jeune homme arrive... je regarde Lydia et lui dit d'essayer celui la après quoi ca serait le dernier et on prendrait le bus. Le jeune homme répond qu'il n'a rien a faire et qu'il nous mènera ou on veut aller... Il a la voiture de sa copine (qui lui laisse pour la première fois), il n'a plus de permis parce qu'il s'est fait griller a 256km/h sur une autoroute espagnol, et je me retrouve a conduite une voiture dont on n’a pas les papiers sur la route nous menant droit sur les Alpujarras... On croise Lanjaron (ville thermale) puis Orgivas ou il nous laissera.

On se balade un peu avant de recommencer a tendre le pouce, de nuit cette fois, on sait qu'il y a un camp Hippy dans le coin mais personne dans le village ne semble savoir de quoi on parle...

Une jeune fille s'arrête, Lydia lui parle un peu, j'entends un accent qui me semble familier... je la regarde par dessus l'épaule de la miss... je lui lance un "Française ?"... Elle me répond "oui". Elle va au camp Hippy en question et devient donc notre guide.

Le terrain est comble de vans, camions, bus et autres moyens de transport insolites et énormes... On gare la voiture et on s'engage sur un sentier qui se perd dans la foret et la montagne... Les deux filles discutent en espagnol et je me laisse berce par le rythme de mes pas qd soudain qqch en moi s'éveille, au début je ne sais pas de quoi il s'agit mais une flamme s'est allume dans mes oreilles... qqch me plait mais quoi ??? Au travers de la discussion hispanique je perçois soudain une mélodie lointaine, une flute enfumée de percussions, la mélodie me fait revivre je me sens grandir d'un seul coup et toute ma peau ne suffit plus a me contenir tout entier. Mes muscles sont bandes, mais les filles continuent de parler, n'entendent-elles rien ? Suis-je en train de rêver ? Non le bruit prend de l'ampleur... je le sens m'envahir soudain derechef et les filles se taisent d'un coup quand on se retrouve face à face avec un teepee de plusieurs mètres de haut.

La lumière danse a l'intérieur je m'approche a pas de velours, pris de la peur de briser le rêve... dedans, des visages barbus, des enfants jouant autour du feu, des pierres dressées, de la fumée un peu plus haut et des bibelots en pagaille au milieu des tapis sales... Les discussions sont mêlées aux mélopées douces et le tout brouille mon cœur. Je n'ai qu'une envie faire corps avec tout ca, mais entrer la dedans serait marquer la fin de ce sentiment que je vie pleinement... Je décide de prolonger ma rêverie en suivant mes compagnonnes plus haut dans les montagnes... Sur un versant comme sur l'autre, des lueurs dansent de toutes parts, des milliers de chants différents s'élèvent.

Chloé est déjà venue et connait un endroit ou elle peut nous introduire. On la suit inlassablement mais rapidement nous nous perdons dans ce dédale de sentiers. La nuit avance et bientôt 23h sonne alors que nous atteignons les sommets. Un bruit attire notre attention. Un feu d'artifice éclate plus bas dans la vallée sur le petit village d’Orgivas ou nous nous trouvions... Nous sommes aux premières loges et ceci nous donne le prétexte parfait pour une pause bien méritée.

Puis c'est la reprise... On finira par trouver ce camp ou se dresse 3 grands teepee autour d'un feu ou s'entasse une dizaine de personnes toutes italiennes ou israélites.

On entre dans un autre âge, Lydia et moi même perdons nos repères, nous sommes à présent entre leur mains et nos hôtes s'occupent de nous alors qu'aucune arrivée n'était prévu, vite on se retrouve avec un bol de soupe chaude dans les mains qu'on ne se fait pas prier pour avaler... un délice.

Ils sont sales, portent tous la barbe et marchent pieds nus. Ils ne se sont probablement pas laver ces qqs derniers jours mais ils vivent dans la fraternité la plus parfaite. Cultivant leur nourriture, ne mangeant pas de viande et travaillant de leur main. La soirée devait se prolonger loin dans la nuit en chant multinationaux. Tout le monde parle la même langue, une langue qui n'existe pas, un mélange d'espagnole, français, italien, catalan, anglais, allemand, israélien... des gestes et des sourires, et bizarrement ca marche a la perfection, tout le monde se comprends sans le moindre souci et les discussions vont bon train.

On dormira dans leur teepee vieux de 20 ans... Lydia avec les fruits et les légumes et moi avec les chiens les chats près du feu...

Ces gens la on traverse a pied l'Italie, la France et l'Espagne, avec leur bardas sur le dos de leurs ânes ils ont atteint ce camp depuis près de 6 mois et vivent de la récolte de leurs olives...

Ce camp est un des plus vieux camp hippy d'Espagne, il a été fonde sur des principe de fraternité absolu par un disciple de Gandi et tout semble marcher pour le mieux depuis les qqs décennies qui se sont vu passer depuis.

Au matin notre énergie continue de nous pousser en avant Lydia et moi... notre énergie mais aussi l'obligation de Lydia d'être de retour le lundi suivant...

On reprend la route sans trop de souci jusqu'a Almeria... slalomant entre bus et stop. On atteindra la ville a la nuit tombe. Il est temps pour nous de se prendre une auberge de jeunesse pour avoir la possibilité minimale de se laver.

Lydia demande le chemin a une jeune femme accoudée... Celle ci répond :

"L'auberge de jeunesse ?... Bah vous n'avez qu’à venir dormir à la maison...

Mon copain va bientôt arriver avec le van, je pense pas que ca lui posera de souci." Et voila comment on fit la connaissance de Macarena et Aitor.

Après qqs tapas on se paye le luxe d'une douche glaciale dans leur appartement de bohème. Ce sont des gens comme ca qui changent la face du monde. Ce jeune couple nous aura donné leur amitié sans compter, et nous aura mis tellement à l'aise qu'on finira par se sentir comme chez nous... mais la nuit passe rapidement et il faut reprendre la route... cette fois ci direction Cabo de Gata et la pointe sud-est de la péninsule ibérique.

Sur la route on se prendra a espérer que les voitures ne s'arrêtent... on est en équilibre avec nous même... juste bien. Mes enceintes de voyage distillent des rocks fanés...

La route se fait avaler une fois de plus et nous voila perdus entre Cabo de Gata et San Jose la ou seuls les jambes peuvent vous porter car les voitures se voient l'accès du parc national interdit... Une petite plage pour recevoir la tente, et au final un dodo a la belle étoile bercé par la mer "qu'on voit danser".

Dimanche 23... C’est un long soupir à la lecture douce de mes livres de voyage... en maillot, moi qui ne me baignerais pas... J'accélère... On remballe, sur la route, un allemand dans un camion, sa maison, vers Las Negras, la décision de rentrer le soir même, un peu trop tard, Nijar, pas de bus, Campohermoso ou je ne retrouve que le mauvais coté du Maroc... magouille et compagnie, le ciel qui noircit vraiment, l'impression d'être en danger dans ce bourg... la manière dont Lydia a sauté sur ces trois jeunes en vacances dans la station essence pour les supplier de nous sortir de ce trou perdu... puis la gare routière d'Almeria et les heures de retour nous berçant jusqu'a Alicante.

Voila grosso modo mes couleurs de la palette de la semaine écoulée.

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